Est-ce qu’on peut vraiment parler d’astronaute pour désigner quelqu’un qui paie pour aller dans l’espace ? Débat ouvert

Qui a le droit de s'appeler astronaute ? L'essor des voyages spatiaux privés ces dernières années a relancé le débat sur l'utilisation de ce titre prestigieux.

La 31e mission du New Shepard de Blue Origin n'a pas seulement été un succès technique, elle a également marqué une étape importante en embarquant un équipage exclusivement féminin. Image : Blue Origin.
La 31e mission du New Shepard de Blue Origin n'a pas seulement été un succès technique, elle a également marqué une étape importante en embarquant un équipage exclusivement féminin. Image : Blue Origin.

Le vaisseau spatial New Shepard de Blue Origin, propriété de Jeff Bezos, a une fois de plus écrit un chapitre curieux de l'histoire du tourisme spatial. Sa 31e mission, qui a décollé de l'ouest du Texas, a non seulement été un succès technique, mais elle a également marqué un tournant en embarquant un équipage exclusivement féminin. Parmi elles se trouvaient des noms aussi connus que la chanteuse Katy Perry, la journaliste Gayle King et d'autres personnalités représentant diverses causes sociales et culturelles.

Le vaisseau spatial New Shepard porte le nom de l'astronaute Alan Shepard, premier astronaute américain à être allé dans l'espace. Il s'agit d'une fusée de 18 mètres pouvant accueillir jusqu'à six membres d'équipage.

Mais au-delà de l'exploit symbolique, la polémique n'a pas tardé : ces passagères doivent-elles être appelées « astronautes » ? Un simple mot a déclenché une discussion qui couvait depuis les premiers vols suborbitaux de célébrités en 2021, lorsque Richard Branson et Jeff Bezos ont commencé à démocratiser, au moins financièrement, l'accès à l'espace.

Où commence l'espace ? Même la science n'est pas d'accord

Parler de frontières dans l'espace peut sembler contradictoire, mais c'est précisément ce concept qui a semé la confusion. Depuis des décennies, la ligne de Kármán, située à environ 100 km au-dessus du niveau de la mer, est la référence « internationalement reconnue » pour définir le début de l'espace. Elle a été proposée par le scientifique Theodore von Kármán dans le but de faire la distinction entre le vol atmosphérique et le vol spatial.

Cependant, il n'y a pas de consensus unanime. Certains experts situent le début de l'espace un peu plus bas, à 80 km, ce qui coïncide avec la politique de l'US Air Force d'accorder des ailes aux astronautes. D'autres, notamment dans des domaines tels que la physique spatiale, vont beaucoup plus loin : ils parlent de 57 000 km, lorsque des frontières telles que la plasmapause ou la plasmasphère sont franchies.

Il est donc clair que la limite de l'espace n'est pas une ligne peinte dans le ciel. Il s'agit d'une convention technique, parfois arbitraire, qui varie en fonction de qui l'utilise et dans quel but. Dans ce paysage confus, les voyages de Blue Origin, qui dépassent les 100 km, tentent de se positionner comme plus « légitimes » que ceux de Virgin Galactic, qui dépassent à peine les 85 km.

Astronautes ou simples touristes de l'espace ?

Le débat actuel porte sur ce que signifie réellement être un astronaute. Pour certains, il suffit d'avoir franchi l'altitude minimale qui définit l'espace. Pour d'autres, il faut une formation, un rôle spécifique en vol et une contribution technique ou scientifique.

La FAA (US Federal Aviation Administration) a des critères plus stricts : elle exige une participation active à la sécurité du vol et l'exécution de tâches essentielles pendant la mission. En ce sens, les vols touristiques, où les passagers sont plutôt des spectateurs, ne relèvent pas du titre officiel.

C'est précisément ce point que Sean Duffy, un ancien fonctionnaire de l'administration Trump, a utilisé pour disqualifier le label « astronaute » appliqué à des personnalités telles que Katy Perry et Gayle King. Selon lui, « acheter un billet » ne suffit pas à mériter ce rang.

Mais voici la contradiction : si un acteur comme William Shatner peut voler et être célébré comme un pionnier, pourquoi les critiques sont-elles plus sévères lorsqu'il s'agit de femmes ?

Le rôle des célébrités et la visibilité médiatique

L'un des aspects les plus discutés du vol de New Shepard a été le profil des membres de l'équipage. Tous étaient des femmes éminentes dans leur domaine, mais aucune n'avait de formation technique aérospatiale. Cela a fait du bruit sur les réseaux sociaux, où certains utilisateurs ont souligné que leur présence nuisait au sérieux de la mission.

Cependant, le symbolisme derrière ce vol va au-delà des titres. La mission a été conçue comme un moyen de donner de la visibilité à des femmes influentes qui utilisent leur voix pour inspirer les nouvelles générations. Cela se reflète même dans les symboles de l'écusson officiel du vol, des microphones aux étoiles filantes.

Il est clair que, plus qu'une expérience scientifique, il s'agissait d'une mission chargée de messages sociaux. Mais cela ne l'invalide pas en tant qu'expérience spatiale. Après tout, si les conditions physiques du vol sont réunies, n'est-il pas également valable d'en évaluer l'impact culturel ?

Quelle est la prochaine étape ? Le tourisme spatial ne recule pas

Alors que Blue Origin célèbre son record d'avoir emmené près de 60 personnes dans l'espace, l'avenir du tourisme spatial continue de s'écrire à chaque vol. La possibilité pour un plus grand nombre de civils d'accéder à l'espace est, en soi, une transformation profonde de l'industrie aérospatiale.

Le problème est que, pour l'instant, la plupart de ces voyageurs appartiennent à une élite médiatique riche ou très visible. L'accès reste limité et très exclusif. Les expériences en microgravité sont courtes, trois à quatre minutes, et peu utiles pour une véritable recherche scientifique.

Cependant, certains suggèrent que l'autorisation d'effectuer des expériences en vol pourrait ouvrir de nouvelles perspectives. Équiper ces missions d'outils pour des études en biologie, en physique ou en médecine serait un pas vers la transformation de ces « passagers » en quelque chose de plus proche des astronautes fonctionnels.